L’honnêteté stratégique : dire non pour mieux faire gagner ses clients
- Elodie Colin-Petit
- il y a 5 jours
- 4 min de lecture
Dans le conseil comme dans l’entreprise, tout pousse à dire “oui”. Oui à l’urgence, oui à l’opportunité, oui au projet qui semble avancer. Pourtant, c’est parfois un “non” calme, posé, argumenté, qui protège la valeur d’une décision et la crédibilité d’un dirigeant.
Le “oui” qui rassure, le “non” qui construit
Dans la plupart des organisations, le “oui” est devenu une valeur refuge. Il rassure, il fédère, il donne l’impression d’avancer. Mais à force de dire oui à tout, on finit par ne plus vraiment choisir.
Dire “non”, au contraire, c’est exercer son discernement. C’est refuser la fuite en avant et rappeler qu’une décision n’a de valeur que si elle s’inscrit dans une logique claire, cohérente et soutenable.
Un “non” dit à temps, c’est un projet sauvé avant qu’il ne coûte trop cher. Un “oui” trop rapide, c’est souvent des mois d’énergie perdue à tenter de réparer ce qui n’aurait jamais dû être lancé.
Dire non, un acte de responsabilité stratégique
Un dirigeant, tout comme un conseil, n’est pas là pour conforter, mais pour éclairer. Dire non, ce n’est pas freiner : c’est protéger.
Cela peut vouloir dire :
non à un marché qu’on n’a pas encore étudié ;
non à un CRM qu’on ne saura pas faire vivre ;
non à une réorganisation qui fragiliserait la culture interne.
Ces refus ne sont pas des contre-projets. Ce sont des signes de maturité, des garde-fous qui évitent d’investir dans la précipitation ou dans la mode.
Quand le conseil devient un calmant
Il faut aussi avoir l’honnêteté de le dire : dans beaucoup d’entreprises, on consomme du conseil pour se rassurer. Pour montrer qu’on agit, pour justifier une direction, pour différer un choix difficile.
On commande une étude pour “confirmer”, on lance une mission pour “occuper le terrain”, on multiplie les diagnostics sans jamais traiter les causes profondes.
C’est humain. Mais c’est aussi le signe d’une fatigue organisationnelle : celle qui pousse à acheter de la méthode quand il faudrait du courage, ou à déléguer une décision qu’on n’ose plus assumer.
Le rôle du conseil n’est pas d’occuper l’espace, mais de le clarifier
Le conseil n’a pas vocation à remplacer la réflexion interne ni à maquiller des tensions de gouvernance. Il doit intervenir là où l’entreprise atteint ses limites analytiques ou décisionnelles, pas là où elle cherche à éviter le débat.
Son rôle est d’aider à trancher, pas à entretenir le flou. De recentrer les efforts, pas de les disperser. D’apporter du discernement, pas de la production de slides.
C’est aussi pour cela qu’il ne sert à rien de “payer du conseil” quand le sujet n’est pas mûr. Une conversation honnête vaut souvent davantage qu’une mission prématurée.
Les missions ne se gagnent pas sur la surenchère, mais dans la confiance
Il existe une tentation très répandue dans le métier : amplifier les problèmes pour vendre des solutions. Faire peur pour déclencher l’action. Mais les dirigeants, surtout les CEO et les CFO, reconnaissent vite la différence entre le discours et la compétence.
Les missions qui comptent ne se gagnent pas dans la dramatisation. Elles se construisent dans le temps, dans la constance et dans la confiance. Celles où l’on ne cherche pas à impressionner, mais à comprendre. Celles où l’on parle vrai, même quand cela ne sert pas immédiatement ses intérêts.
Venir de l’entreprise : une force silencieuse
Avoir occupé préalablement des fonctions au sein d'entreprises, c’est avoir vécu la réalité des chiffres, des équipes, des contraintes et des arbitrages. C’est savoir ce que représente un objectif qui tombe sans moyens, ou une décision stratégique qui doit s’exécuter sur le terrain dès le lendemain.
Cette expérience change le rapport au conseil. Elle ancre la réflexion dans le réel, distingue l’essentiel de l’accessoire et rend le “non” légitime, car il repose sur une connaissance vécue, pas sur un modèle.
C’est ce qui permet d’apporter de la valeur autrement : non pas en théorie, mais en pertinence.
Dire non, c’est aussi un luxe
Pouvoir dire non, c’est un luxe : celui de pouvoir choisir ses missions et rester fidèle à son exigence. Mais c’est un luxe qui se mérite, car il suppose d’assumer la tension permanente entre le court terme et la réputation.
Chaque décision est un équilibre : faut-il accepter pour faire tourner, ou refuser pour préserver la ligne ? Faut-il remplir le carnet de commandes, ou protéger la cohérence du projet ?
Il n’y a pas de réponse universelle, mais il y a une manière d’agir : celle qui ne trahit pas la confiance que le client place en vous.
À ceux qui comprendront
Certaines relations professionnelles échappent à la logique du court terme. Des collaborations où l’on peut dire les choses librement et où un refus n’est pas perçu comme une distance, mais comme une marque de respect.
Cet article est une pensée silencieuse pour l’un de ces clients, pour cette forme rare de relation où le « non » n’interrompt rien : il marque simplement le début d’un moment meilleur à venir.
Je reste là, à la bonne distance, disponible le jour où le besoin redeviendra clair et où les conditions du succès seront véritablement réunies.
C’est peut-être cela, au fond, la fidélité dans le conseil : ne pas occuper la place, mais la préserver.




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